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la valorisation scientifique

15.07.2021

6 minutes

Repenser
la valorisation scientifique

Repenser
la valorisation scientifique

  • Innovation sensible
  • Repenser la valorisation scientifique ? La question portant sur la narration de l’innovation, elle intéresse autant le marketing que les équipes scientifiques. Aujourd’hui, celle-ci est induite tout à la fois par l’intégration des politiques de développement durable, par le renouveau du cadre conceptuel de la biologie (microbiote, axe peau-cerveau, écobiologie cutanée…) ou par les pensées émergentes de la beauté (lien au bien-être, à la santé, pluralité des imaginaires,…). Pourtant, les « nouvelles » narrations laissent souvent un sentiment de déjà-vu, voire participent de ce sentiment de « fatigue » ou de désengagement que génère la communication pour un nombre croissant d’acteurs. Et si le changement devait s’opérer à un niveau plus fondamental ? Pour peut-être régénérer la marque et les communautés qui la constituent, renouer avec l’énergie créative de l’expérience qui fait sens, ou oser effectivement l’avant-garde ?

    Intérieur jour. Banlieue d’une grande ville. Salle de réunion d’un laboratoire (ou une cafétéria si vous êtes aux États-Unis). Un fournisseur visite son client. 4e visite de la journée. 5e jour de visites clients.

    Exposition d’un problème. Ah, les UV, la pollution, le stress ! Observation d’une plante prodigieuse. Ah, les pouvoirs de la Nature ! Grâce aux travaux de nos chercheurs… Exposé d’un mode d’action. Pour la première fois… Et des résultats visibles. Ah, le meilleur de la science et de la nature ! Et puis la biodiversité et les communautés. Et l’économie circulaire. Ah la beauté planet-positive !

    À ce moment-là, qui est dupe de quoi ? Que ressent le technico-commercial ? Que ressent la personne en charge de la sélection des nouveaux actifs ? Au bout d’une semaine de la même routine. D’un an. Cinq ans. Dix ans ?

    Autre scène. Extérieur jour. 8h30. Métro. Elle découvre le lancement d’un nouveau soin d’exception.

    Une fleur rare, les conditions extrêmes, l’extraordinaire longévité, la force de vie, un prodige, le précieux, l’extraordinaire pouvoir, la puissance, sublimés bien sûr, la nouvelle génération, la capacité d’agir…

    L’importance du cliché est telle qu’elle a suscité l’émergence d’une autre séquence qui, d’une certaine façon, questionne jusqu’à l’utilité même d’innover.

    Démystifier l’industrie du soin, la simplicité, les fondamentaux, les basiques, les essentiels, les formules minimalistes, clean, la transparence,…

    Si certains motifs sont neufs (une nouvelle fleur, une voie d’action inédite, un packaging éco-conçu…) la dramaturgie du récit ne bouge pas. Tout se passe comme s’il existait des structures narratives préexistantes, et que le travail consistait juste à remplir les blocs à partir d’éléments de langage donnés par la plateforme de marque et les mots dièses du moment.

    Ces « memes » ont une remarquable efficacité. Tout comme sur les réseaux sociaux. Ils créent un langage commun. Permettent le renouvellement dans le cadre. Cependant, tout comme sur les réseaux, je formule l’hypothèse que leur répétition crée une vacuité, une perte de sens, qui, à terme, fragilise la marque autant dans sa capacité à innover que dans sa capacité à faire lien.

    Maintenant, faisons un pas de côté, et considérons une série de mots qui balisent la recherche d’alternatives, d’une capacité à appréhender autrement la beauté dans un monde vivant : 

    La peau sensible, le moi peau, la vulnérabilité, l’émotion, la beauté émouvante, les nourritures esthétiques, la diversité, l’attention fine, la pensée holistique, les jeux d’interactions au sein d’écosystèmes complexes,… Prendre le temps, autoriser les chercheurs à investir leur domaine de façon plus intime et, en même temps, à croiser les disciplines… susciter un dialogue fécond entre la recherche et la narration, sortir de la linéarité, penser en nuage, cesser de répondre aux besoins des consommateurs et avoir l’audace de porter de nouvelles propositions…

    Celles et ceux chez qui cette séquence suscite un petit fourmillement de l’ordre de la curiosité ou du désir sont mûr(e)s pour lire la suite. À d’autres qui demandent davantage d’arguments rationnels, il faudra sans doute un texte plus complet rappelant que la science ne se fait jamais hors sol, invitant à considérer que peut-être notre époque change d’épistémé, que le temps est peut-être venu de repenser le cadre conceptuel et les conditions de productions des preuves de concepts… J’y travaille. Enfin, pour tous les autres, probablement les plus nombreux, je ne peux probablement pas grand-chose.

    Pour les premiers donc. Comment amorcer le changement ? Je propose de commencer par interroger ce à quoi on aspire vraiment lorsque l’on revendique le naturel. S’agit-il seulement de formuler des propositions clean, bio et Peta ? Ou peut-être d’imaginer des lieux de recherche et développement qui soient de véritables lieux d’attention sensible à l’humain et au vivant ? De penser la marque comme principe moteur de nouvelles visions ? Se pourrait-il alors que les récits deviennent passionnants ? Se pourrait-il que la qualité, pensée au-delà des end-points des protocoles d’évaluation, soit également source de valeurs ? Propre à ressourcer la marque et à régénérer les liens avec ses clients ?

    Chez Re-Source, c’est le pari que nous faisons. C’est peut-être même la raison d’être de l’agence. Depuis 20 ans. Mais, parce que la question devient peut-être plus pressante aujourd’hui, nous formalisons une nouvelle série de solutions capables de refonder la valorisation des ingrédients. Elles mettent en jeu l’investigation poétique des données techniques et scientifiques, la création et l’intégration de concepts au sein d’ateliers interdisciplinaires ou l’organisation de véritables séminaires de philosophie pratique. A chaque fois, il s’agit de créer des courts-circuits, de faire saillir des points de vue inattendus ou d’initier de nouvelles pratiques. En somme, de remettre en mouvement le désir d’innover.