ECO-POIËSIS > Considération sur la nature
à partir de l’acné

02.05.2023

3 minutes

Considération sur la nature
à partir de l’acné

Considération sur la nature
à partir de l’acné

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  • Il y a quelque temps, on pouvait voir sur les murs de Paris des boutons d’acné affichés avec le sourire. En 4 par 3 dans le métro. Mais aussi, mi-mode mi-militant, en affichage sauvage, sur des murs sans apprêt. La campagne est signée Caudalie et peut surprendre. L’acné est de ces aspérités que l’on ne saurait voir. Le naturel ne nous avait pas habitués au registre de l’avant-après.

    Pourtant quelque chose pointait déjà dans cette direction. Il y a bien sûr le ton libre et sans filtre de Boldie Magazine. Nous avions remarqué aussi les photos avant-après chez Krème. Cela permet au naturel de prendre la question de l’efficacité à bras-le-corps. Cela produit un court-circuit entre une manière de discours vérité et les codes autrement très lisses de la clean beauty. Par-là, les marques naturelles continuent de dépasser le végétal. Elles s’affirment davantage sur le plan de l’éthique, dans une forme de sincérité, un discours militant qui reprendrait les codes de la « vraie vie » telle qu’elle s’expose, nature, sur les réseaux sociaux. Il s’agirait de répondre à un besoin de simplicité, de proximité, comme pour en finir avec les envolées lyriques des révolutions scientifiques et autres fleurs prodigieuses. En le faisant dans le domaine de l’acné, en laissant voir encore quelques boutons après, cela renforce la posture du parler vrai, sans fausses promesses. Cela donne aussi de la visibilité à ce qu’on ne voulait pas voir. Une invitation à assumer ses imperfections. Tenir pour une beauté plus inclusive. L’esprit libre d’une époque en somme.

    Avant Caudalie et Krème, dans un tout autre domaine, j’avais remarqué la communication de Barilla ventant la rugosité de ses nouvelles pâtes Al Bronzo. En tombant sur les boutons d’acné, je me suis demandé si l’époque n’était pas en mal de rugosité justement ? Comme une envie de frottement. Un désir de réel dans un monde aspiré par le virtuel, devenant trop lisse.

    Bien évidemment, il s’agit chaque fois d’une pure construction publicitaire. Elle-même lisse, parfaitement maîtrisée. Produisant du lisse à partir d’une aspérité qu’elle saisit dans l’ère du temps. Reste que l’acné n’en suscite pas moins un trouble. Ou un sentiment de liberté. Cela dépend de celui ou celle qui regarde.

    C’est que d’un côté, la nature est ce génie qu’il s’agit de mimétiser. La source renouvelable d’un avenir durable. La source de produits plus sains. D’un autre, d’aucuns peuvent (au contraire ?) aimer son imprévisibilité. Ses herbes folles. Sa capacité à nous surprendre. À susciter des envies de prendre l’air. À afficher ses boutons avec une jeunesse insolente. Et puis la nature est aussi celle qui érupteeffectivement, le virus qui fait dérailler le système, le climat qui fout le camp. La nature comme surcroît de réel qui ne cesse de nous échapper.

    Et si, à la faveur de ce bouton importun, nous nous saisissions du trouble qu’il suscite pour penser enfin ce mot, Nature. Ce mot qui fonde tout un pan de l’industrie sans que personne ne prenne vraiment le temps de le penser tout à fait.

    Un petit indice : la nature, ça n’existe pas

    À suivre