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04.03.2023

3 minutes

Est-il encore besoin de développer des nouveaux actifs

Est-il encore besoin de développer des nouveaux actifs

  • Innovation sensible
  • Le moment est volontiers aux questions iconoclastes. Alors pourquoi pas celle-ci.  D’autant qu’à faire le rapport entre les énergies investies et les nouvelles attentes de l’industrie, l’ampleur des moyens mobilisés pourraient bien interroger le bon sens, ou, pour le dire autrement, l’alignement des stratégies d’innovation avec l’ère du temps.

    Reconnaître l’épistémè dans laquelle s’inscrit la science des actifs

    Longtemps, les actifs ont focalisé sur eux la prouesse scientifique et la performance, poursuivant une forme d’idéal ou de vérité du soin. Ils en dessinaient les stratégies, partitionnaient les zones du visage et du corps, disaient quelque chose d’une attention saillante au détail, un souci de la perfection.  Purs, concentrés, puissants, parfois révolutionnaires, les principes actifs parlent d’une cosmétique volontaire, d’une beauté prise en main – « on a la peau qu’on mérite » avait affirmé une dermatologue.  Le principe actif est à la cosmétique ce que ce l’allopathie est à la médecine.  Seulement, voilà, il semble que l’on ait changé d’époque.

    Le temps de la reformulation

    Le temps est désormais aux alternatives et à la reformulation. Qu’il s’agisse de diminuer l’impact environnemental des produits ou de trouver des solutions aux pénuries de matières premières, l’innovation se porte désormais sur les fonctionnels, ces ingrédients longtemps invisibilisés par l’éminence des actifs dans le discours cosmétique. L’ère est à la reformulation, elle est aussi à l’expérience, aux émotions, au bien-être, à l’affinité des matières avec la peau. Elle appelle un regard plus holistique sur la beauté, les produits et le soin. Un discours aux accents moins anguleux, plus englobant. Dans le même temps, l’innovation est aussi aux « devices » et aux « apps », intégrant toute la puissance des data dont la complexité et le nombre paraissent atteindre ceux du vivant pour en gagner toute l’agilité.  Bien-sûr, on n’oublie pas l’efficacité.  Mais elle devient juste un prérequis. Et pour cela, les fondamentaux, les molécules « héros », ces principes actifs éprouvés et rassurants, font très bien le travail.  La quête de nouveaux actifs n’est-elle donc plus le sujet de l’innovation ?   

    Refonder une pensée de l’efficacité cosmétique

    C’est à voir. Car attaché aux actifs, il y a la science de la peau, la compréhension de sa nature, de ses interactions avec l’environnement et le corps sans oublier le cerveau, la connaissance du langage même de la peau. Alors peut-être que le besoin d’une approche plus englobante, d’un regard circulaire, n’appellent pas tant à se départir de la recherche sur les actifs qu’à interroger les conditions de l’activité de la formule tout entière. Cesser de croire en la neutralité de la galénique, comprendre le rôle des ingrédients fonctionnels, de la gestuelle, et penser les interactions avec les molécules dites actives. La question ne serait pas tant de déporter son attention sur de nouveaux territoires de recherche, que de fonder comme une nouvelle épistémè du soin. Interroger les discours et les modèles scientifiques à partir des nouvelles conceptions de la beauté et permettre aux marques de trouver un nouvel alignement avec l’esprit du temps.