Je trouve intéressant de voir que l’attention nouvelle portée aux émotions se justifie en premier lieu par la question de plus en plus saillante du stress ou plus exactement de la détresse psychologique qu’il engendre.  Il y a quelques mois, BEAUTYSTREAMS prenait le nouveau contexte de poly-crise comme facteur principal d’avènement du PsyCare, annoncé comme nouvelle catégorie cosmétique – entendre par là le soin des émotions. Mi-février, Givaudan lançait sa nouvelle plateforme Well&Be, dédiée au parfum et aux émotions. Là encore, le communiqué de presse prend pour amorce un contexte de stress physique et mental. Pourtant le projet est bien plus vaste.   Il entend ouvrir à toute la diversité des émotions impliquées dans l’expérience du bien-être.

Curieux des initiatives qui explorent la congruence sensorielle et croisent les expertises, j’ai souhaité en savoir un peu plus et ai eu le plaisir de m’entretenir avec Maëlle Penven, responsable des plateformes stratégiques chez Givaudan. 

Alors concrètement, c’est quoi une plateforme?  Je pose la question de cette façon, car il me semble que le mot revient de plus en plus souvent dans notre industrie.  Le lancement de Well&Be est donc aussi l’occasion de cerner un peu mieux les dispositifs qu’il désigne. Ici, au départ, il y a des savoirs qui sont développés depuis des années par Givaudan, des travaux de recherche en neurosciences sur les émotions et le bien-être, et bien-sûr l’expertise créative des parfumeurs.  Well&Be est née du désir de consolider ces expertises pour proposer une approche holistique, engageant plusieurs sens de façon à décupler l’impact émotionnel d’une odeur au sein d’une expérience produit.  Au cœur du dispositif, le groupe a conçu un outil digital permettant aux responsables projets de développer de nouvelles propositions clients avec une précision inédite dans la définition des émotions.

La plateforme investit en effet un territoire de 92 humeurs et émotions positives structurées autour de cinq archétypes :

·      Le Nostalgique – Se sentir bien grâce aux souvenirs d’enfance. 

·      Le Transformateur – Se sentir bien grâce à l’accomplissement de soi et à la transcendance. 

·      Le Connecteur – Se sentir bien grâce aux liens avec les autres. 

·      Le Chercheur – Se sentir bien grâce au goût de la découverte et de l’évasion. 

·      Le Naturaliste – Se sentir bien grâce à sa connexion avec la nature.

En se couplant à la technologie Myrissi TM, elle met en dialogue les parfums, les émotions et les couleurs ouvrant ainsi à des narrations à la fois plus riches et plus fines, mobilisant les pouvoirs de la congruence sensorielle pour une expérience plus harmonieuse et plus forte. Voilà clairement un outil avec lequel j’aurais plaisir à jouer.

A cet endroit, la question de départ me saisit de façon soudain plus aigüe encore.  Comment se fait-il qu’une telle richesse créative, aimantée par les émotions positives, ait besoin de se justifier par la désignation d’un besoin négatif, le stress. Tout comme j’interroge par ailleurs les récits de la beauté qui paraissent devoir se construire d’abord sur la réponse nécessaire aux effets de l’âge, de la pollution ou des UV.  La création d’une émotion capable de nourrir le bon a-t-elle vraiment besoin d’une autre justification qu’elle-même ?  Autrement formulé, est-il vraiment nécessaire de trouver une fonction à la beauté ?

Le nom de la nouvelle plateforme Givaudan, Well&Be, inverse l’expression Well-Being.  C’est peut-être au départ un simple jeu de mots. Mais, par cette inversion, le nom sans y prendre garde (?) ne fait rien moins que provoquer une collision entre le Bien et l’Être. Tout un programme philosophique.  J’aime à penser que c’est là, en définitive, le vrai principe qui travaille cette nouvelle initiative…